Les cables d'acier
Les câbles d'acier claquent
Aux mats des fins coursiers
Elles sont loin les caraques
Du temps des flibustiers
Ceux-ci ont de l'allure
Un sens de l'esthétique
Les lignes de l'épure
Consacrées au vélique.
Mais le temps a passé
Ils se souviennent amers
De toutes leurs traversées
Comme si c'était hier
Ils ont couru les mers
Traversé les tropiques
Surmonté les trous d'air
Navigué à l'oblique
Les vents et les courants
Par nature capricieux
S'ajoutaient aux tourments
Qui leur tombaient des cieux
Jamais ils ne cédèrent
Devant les éléments
De fait leurs adversaires
Décuplaient leurs talents
S'il arrivait parfois
Qu'une avarie s'installe
Cherchant toujours l'exploit
Ils refusaient l'escale
Rentraient-ils dans un port
D'une course au long cours
Que la foule en transport
Extasiée les entoure
Ce temps est révolu
Ils ne font plus rêver
Le pont est vermoulu
Et la foule s'est lassée
Le temps a pris sa part
Sur les hautains esquifs
Terminés les départs
Et leurs préparatifs
Nul marin sur le pont
Nul skipper à la barre
Voués à l'abandon
Aux caprices du hasard
Les voiles sont affalées
Près d'un quai délabré
Lâchement amarrés
Ils attendent de sombrer
Combien j'en ai connu
De ces fiers téméraires
Pour être reconnus
S'agitant dans leurs fers
Ils se voulaient puissants
Couverts d'or et de gloire
Le pouvoir et l'argent
Comme seul exutoire
A l'heure des bilans
A la fin de l'histoire
Ils se disent contents
Du moins ils le font croire
Avec le poids des ans
Descendus du perchoir
Ils sont vieux et tremblants
Evitant les miroirs
La gloire et la puissance
Ne leur servirent à rien
C'est une toute autre science
Que savoir vivre bien
Car aujourd'hui ils savent
Dans le fond de leur cœur
Comment on devient sage
En réglant bien ses mœurs
Ils avaient sacrifié
Au nom de l'ambition
Leurs proches et leurs enfants
En espèrent-ils pardon?
N'y a-t-il pas de grandeur
Pour une âme bien née
D'avoir fait le bonheur
De ceux qu'elle a aimés ?
Pour eux il n'est plus l'heure
On ne vit qu'une fois
Les remords aux erreurs
Sans cesse les renvoie
Forts de leur expérience
Ils aimeraient sans doute
Prévenir leurs cadets
Qu'ils ont fait fausse route
Que le plus important
Ce n'est pas de paraître
Que l'opinion des gens
Ne doit pas guider l'être
Qu'il leur faut renoncer
A vouloir qu'on les aime
En réglant leur conduite
Seulement d'après eux-mêmes
Que l'art de la vie
C'est n'est pas conquérir
Comme poussé par l'envie
De vouloir tout saisir
Il faut beaucoup de science
Et de l'humilité
Pour savoir en conscience
Découvrir qui l'on est
Alors, alors seulement
En artiste avisé
Exploiter ses talents
Afin de s'élever
Et pour comprendre enfin
Ayant pris son envol
Que presque tout est vain
Consacré au frivole
Si au moins on dispose
Du gîte et du couvert
On doit suivre la rose
Avec le cœur ouvert
En suivant ce chemin
C'est avec émotion
Qu'on devient pèlerin
Avec l'homme pour mission
Et dans cette aventure
La seule qui vraiment vaille
On fait avec Nature
De tendres épousailles
Et de l'éblouissement
De ce divin hymen
Naîtra amour ardent
Pour toute la race humaine
Mais la jeunesse n'écoute
Que ses propres pulsions
Sa seule feuille de route?
Assouvir ses passions!
Le passé et les doutes
Ils les laissent aux barbons
Ils veulent prendre la route
Qui les mène à l'action
Voici que recommence
Le cycle des erreurs
Chacun court sa chance
Veut être le meilleur
C'est la compétition
De chacun contre tous
Et l'on croit que raison
Est la seule qui nous pousse
Car pour notre malheur
Ce que nous ignorons
C'est que désirs et peurs
Conduisent notre raison
Il faut des ans le poids
Et un peu d'expérience
Pour découvrir par soi
Qu'on a manqué sa chance
Et grince la poulie
Tournez générations
Elevé est le prix
Pour que servent les leçons